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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/68

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l’admiration sont excitées en nous, c’est par quelque chose de plus noble que le simple chagrin ; il faut que l’héroïsme s’y mêle.

— Hélène ne connaît pas la signification du mot héroïsme, dit Harley avec un peu de tristesse, il faudra que vous la lui enseigniez.

— Est-il possible, se disait-il intérieurement, qu’un Randal Leslie ait pu plaire à cette âme si noble et si élevée ? À coup sûr il n’y a rien d’héroïque chez ce plat employé. Votre père, reprit-il tout haut et en regardant fixement la jeune fille, votre père voit souvent, m’a-t-on dit, un jeune homme à peu près du même âge que Léonard, si toutefois on estime l’âge d’un homme par les registres de la paroisse ; autrement ce soi-disant jeune homme me fait l’effet d’un contemporain de mon grand-père. Je veux parler de M. Randal Leslie. L’aimez-vous ?

— Si je l’aime ? répéta lentement Violente comme si elle eût sondé son propre cœur. Mais oui, je l’aime.

— Et pourquoi ? demanda Harley d’un air d’indignation concentrée.

— Ses visites semblent toujours faire plaisir à mon père. Certainement je l’aime.

— Hum ! Et il fait profession de vous aimer en retour, que je suppose ? »

Violante se mit à rire naïvement. Elle fut tentée de répondre :

« Cela est-il donc bien extraordinaire ? Mais son respect pour Harley l’arrêta.

— On dit qu’il est intelligent, reprit Harley.

— Oh, oui, certainement.

— Il est assez bien de sa personne ; mais j’aime mieux la figure de Léonard.

— Le visage de Léonard est celui d’un homme qui a souvent contemplé le ciel et sur celui de M. Leslie ne se reflètent ni soleil, ni étoiles.

— Chère Violante ! » s’écria Harley ravi ; et il serra la main de la jeune fille.

Celle-ci rougit jusqu’aux tempes, sa main trembla dans celle de lord L’Estrange. Mais l’exclamation affectueuse qu’avait prononcée celui-ci eût pu sortir des lèvres d’un père.

En ce moment Hélène s’approcha d’eux, et regardant timidement son tuteur, lui dit : « La mère de Léonard est chez lui, il me demande de venir la voir, le puis-je ?

— Si vous le pouvez ? La signorina va croire qu’on vous tient en esclavage en entendant une pareille question. Certainement vous le pouvez.

— Voulez-vous venir avec nous ? »

Harley parut embarrassé ; il se rappelait l’agitation qu’avait éprouvée la veuve en apprenant son nom, le désir qu’elle avait montré de l’éviter, désir que Léonard lui avait avoué et dont il croyait deviner la cause, et d’après ce qu’il devinait, lui aussi, il reculait à l’idée d’une telle rencontre.