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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/77

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— Elle est si brillante ; elle s’exprime si bien, tandis que moi…

— Il ne vous manque que l’habitude de parler pour faire valoir vos pensées. »

Hélène jeta sur son tuteur un regard reconnaissant, mais elle secoua la tête, comme elle faisait presque toujours lorsqu’on la louait.

Enfin les préparatifs furent achevés, les adieux faits, et Violante se trouva assise dans la voiture près de lady Lansmere. Le majestueux équipage s’éloigna lentement avec ses quatre chevaux, ses postillons aux habits de couleurs éclatantes, ornés des armes de Lansmere, le tout d’un style qui se voit bien rarement dans les environs de la métropole, et qui disparaît tous les jours, même de nos comtés les plus reculés.

Riccabocca, Jemima et Giacomo le suivirent longtemps des yeux.

« La voilà partie, dit Giacomo en passant sur ses yeux la manche de son habit, mais c’est un poids de moins sur l’esprit.

— Et un de plus sur le cœur, murmura Riccabocca. Ne pleurez pas, Jemima, cela pourrait vous faire du mal ainsi qu’à celui qui doit venir. C’est une chose étonnante combien les humeurs de la mère affectent l’enfant qui n’est pas encore né. Je n’aimerais pas à avoir un fils qui eût une propension plus qu’ordinaire aux larmes. »

Et le pauvre philosophe s’efforça vainement de sourire. Il rentra lentement et s’enferma avec ses livres, mais il ne put lire. Son esprit était troublé, agité, et bien que comme tous les pères il eût désiré de se voir débarrassé pour la vie de sa fille bien-aimée, il lui semblait maintenant, qu’elle était partie pour quelque temps seulement, qu’une corde était brisée dans l’harmonie du foyer domestique.


CHAPITRE XXI.

Le soir du même jour, au moment où Egerton qui donnait un grand dîner faisait sa toilette, Harley entra dans sa chambre.

Egerton renvoya d’un signe son domestique et continua de s’habiller.

« Excusez-moi, mon cher Harley, dit-il, je n’ai que dix minutes à vous donner. J’attends un des ducs de la famille royale, et l’exactitude, si elle n’est que la courtoisie des princes, est la vertu strictement obligatoire des hommes d’État. »

Harley répondait ordinairement par une plaisanterie aux aphorismes de son ami, mais il s’en abstint cette fois. Il posa affectueusement la main sur l’épaule d’Egerton : « Avant que je ne vous parle d’affaires, dites-moi comment vous allez — mieux ?

— Mieux ! mais je vais toujours bien ; j’ai peut-être l’air un peu