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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/31

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les salons les plus raffinés de Londres, cette réception était dure. Je fus donc indigné des façons cavalières de ce seigneur campagnard. En dépit de son marquisat et de ses terres, il était au-dessous de moi autant pour l’ancienneté de la race que pour la culture de l’esprit. Je jetai les yeux autour de la chambre et ne vis personne de connaissance ; il me sembla que j’étais littéralement tombé dans un autre monde. Le langage que j’entendais tout autour de moi sonnait étrangement à mon oreille. Je m’étais fait une loi d’étudier les caractères des hommes de toutes les classes, à l’exception toutefois des chasseurs et coureurs ; c’est une espèce de bipèdes que je n’avais jamais voulu reconnaître comme appartenant à la race humaine. J’éprouvai alors le regret de n’être pas, en cela, resté fidèle à mes maximes. C’est une faute très-grave que d’encourager par là ses inférieurs à vous traiter avec dédain : voilà comme l’orgueil trouve toujours sa punition.

Je demeurai un quart d’heure dans cette étrange situation ; enfin, mon bon génie vint à mon secours, il me dit que, puisque je ne pouvais faire société avec les bêtes à deux pieds, il fallait m’adresser aux quadrupèdes. Dans un coin du salon était couché un terrier noir de race anglaise pure, dans un autre coin il y avait un autre terrier petit, trapu et vigoureux, de race écossaise. Je ne tardai pas à être dans les meilleurs termes avec l’un et l’autre de ces canine Pelei (de grands cœurs dans de petits corps) et, les attirant peu à peu hors de leur retraite, jusqu’au milieu de la chambre, je fis de mon mieux pour les exciter l’un contre l’autre. Grâce à l’antipathie nationale, je pus m’en donner à cœur joie. La bataille réveilla bientôt tous les individus de la même espèce qui reposaient tranquillement sur différents points du salon, ils accoururent à la rescousse et, comme de vaillants hommes d’armes, se jetèrent au milieu de la mêlée. En un instant le tumulte et la confusion furent à leur comble ; les bêtes criaient, mordaient et se roulaient avec une férocité délicieuse. Ajoutez cela les différents propriétaires des chiens faisant cercle, les uns pour stimuler, les autres pour calmer la fureur des combattants. À la fin, le conflit fut apaisé. À force de coups de