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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/37

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ruisseau mélancolique, grossi par les premières pluies du printemps, nous barrait le passage, et courait se perdre au milieu des hautes herbes d’un marais inhospitalier.

À six milles environ de Chester-Park nous rencontrâmes, sur notre gauche, une vieille maison avec une façade neuve. Les briques brunies par le temps qui en composaient les murs contrastaient étrangement avec les larges fenêtres à la vénitienne de date récente, dont les encadrements blancs brillaient d’un éclat éblouissant. Une élégante verandah tapissée de verdure régnait tout le long du portique, et aboutissait de chaque côté à une rangée de maigres sycomores qui simulaient une avenue. Sur le bord de la route on voyait une jolie petite grille peinte en blanc, et une jolie petite loge si lilliputienne qu’elle ressemblait à une boîte à thé. La terre était fraîchement remuée en plusieurs endroits ; preuve qu’on méditait de nouveaux embellissements. Çà et là se dressait quelque arbuste malingre entouré de palissades et qui semblait gémir en son pauvre petit cœur de se voir ainsi isolé dans sa prison.

En dépit de ce déploiement si riche et si bien entendu de grâces artistiques, ce lieu avait un aspect désolé et triste qui vous glaçait rien que d’y jeter les yeux. Un marais verdâtre d’un côté, et de l’autre une ancienne étable ou plutôt un squelette de chevrons et de soliveaux, et derrière, une bordure sombre et maussade de sapins, ne contribuaient pas peu à répandre sur tout l’ensemble une teinte indéfinissable de tristesse.

Pendant que je considérais avec curiosité les différentes parties de ces délices du Nord, et que je m’étonnais du goût de deux corneilles qui se promenaient tranquillement sur cette terre malsaine au lieu de faire bon usage des grandes ailes noires dont la Providence les avait douées, je vis deux hommes à cheval sortir de derrière la maison et s’avancer dans l’avenue au grand trot. À peine avions-nous fait quelques pas en avant, qu’ils nous rejoignirent. Celui qui était en avant tourna la tête en passant près de moi et, arrêtant brusquement son cheval, démasqua à mes yeux désagréablement surpris, le visage de M. Thornton. La froideur de mon salut ne l’intimida nullement, non plus