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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/50

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son teint, très-vif au niveau des pommettes, allait blêmissant et prenait une teinte verdâtre aux environs de sa bouche large et maussade, qui, je l’imagine, ne s’entrouvrait que rarement pour sourire à l’infortuné possesseur de ses charmes. Cette personne, comme le révérend Christophe, était en compagnie ; elle avait avec elle une grande femme maigre d’un âge avancé et une jeune fille de quelques années plus jeune qu’elle-même, qui me furent présentées comme sa mère et sa sœur.

Mon entrée ne fut pas sans jeter ces personnes dans une grande confusion ; mais j’y portai remède. Je tendis la main si cordialement à la dame que j’attirai, malgré leur visible répugnance à venir à moi, deux de ses doigts osseux jusque dans les miens ; je les y retins et ne leur donnai la liberté qu’après les avoir soumis à une pression affectueuse fort propre à m’attirer sa confiance. Je mis ensuite ma chaise tout près de la sienne, et j’entrai en propos aussi familièrement, que si j’avais connu cette triade féminine depuis plusieurs années. J’exprimai toute ma joie de voir mon vieil ami si heureusement établi, avec une si bonne mine. Je hasardai une fine plaisanterie sur les bons effets du mariage, j’admirai un chat en tapisserie, que confectionnaient les mains vénérables de la vieille matrone, j’offris de lui faire cadeau d’un vrai chat angora avec des oreilles noires longues de cinq pouces et une queue aussi fournie que celle d’un écureuil. Après quoi je passai vivement et sans transition à l’invitation non autorisée de l’excellent maître de la maison.

« Clutterbuck, dis-je, m’a prié très-chaudement de rester à dîner ; mais avant d’accepter son offre, j’ai voulu à toute force venir demander à la maîtresse de la maison si elle n’y mettait pas son veto. Les messieurs, vous le savez, chère madame, n’entendent rien à ces choses-là, et je n’accepte jamais une invitation d’un homme marié avant d’être sûr de la sanction de sa femme. Je sais, par ce qui se passe dans ma famille, combien cela importe. Ma mère (lady Frances) est la meilleure personne du monde : cependant mon père ne prendrait pour rien au monde la liberté (il faut bien dire les choses comme elles sont), d’inviter à dîner même