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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/53

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classique de son langage ou les occupations savantes auxquelles il se plaisait, dussent justement l’exposer à cette même imputation de pédanterie.

Cependant, de temps en temps, lorsqu’il était enflammé par son sujet, il y avait dans le ton de son langage et de ses sentiments quelque chose qui pouvait bien s’appeler de l’éloquence ; et sa modestie sincère et son enthousiasme honnête enlevaient à l’impression qu’il produisait, l’air d’affectation et d’emphase qu’elle aurait pu avoir sans cela.

« Vous avez ici une habitation calme et tranquille, lui dis-je ; il n’y a pas jusqu’aux corneilles, avec leur vénérable croassement si doux à mon oreille, qui ne semblent inviter au sommeil.

— Oui, me répondit Clutterbuck, j’avoue qu’il y a dans ce lieu retiré tout ce qui convient à mon caractère. Je me figure que je puis m’y livrer tout à mon aise à la contemplation qui est pour ainsi dire mon élément et mon aliment intellectuel ; et cependant je crains en cela (comme en toute chose) de tomber dans une étrange erreur, car je me souviens que durant mon court séjour à Londres, je m’étais accoutumé à considérer le bruit des voitures et des passants qui faisait trembler mes vitres, comme un avertissement de rentrer en moi-même et d’étudier avec plus de recueillement. En vérité, cette bruyante manifestation du labeur des hommes me rappelait combien peu me touchaient les grands intérêts de ce monde, et le sentiment de mon isolement au milieu de cette foule du dehors me ramenait vivement à la compagnie que je trouvais au-dedans de moi. En effet il semble que l’esprit se plaise à la contradiction et que, lorsqu’il est transplanté dans un sol où tout ce qui l’entoure porte un certain fruit, il aime par une singulière perversion, à en faire éclore un autre d’espèce toute différente. Vous ne croiriez pas, mon ami, que dans cette retraite solitaire, je ne puis empêcher mes pensées de se porter quelquefois vers ce monde si vif, si animé de Londres, dont je me souciais si peu alors que j’y habitais. Vous souriez, et pourtant cela est vrai ; et quand vous saurez que je logeais dans la partie occidentale de la métropole, tout près du noble palais de Somerset-House et