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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/54

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par conséquent au centre de ce que les oisifs appellent le beau monde, vous ne serez pas surpris de ces migrations que se permettent quelquefois mes pensées. »

Ce brave Clutterbuck s’arrêta un instant et poussa un faible soupir :

« Faites-vous valoir ? cultivez-vous votre jardin ? lui dis-je, ce sont là des occupations qui ne manquent ni de noblesse, ni d’exemples classiques.

— Malheureusement, répondit Clutterbuck, je n’ai de goût ni pour l’un ni pour l’autre. J’éprouve une douleur aiguë et poignante dans la poitrine toutes les fois que je veux me baisser, et ma respiration est courte et asthmatique, et, pour dire le vrai, on ne m’arrache pas facilement à mes livres et à mes papiers. Je vais avec Pline à son jardin et je suis Virgile à sa ferme ; ces excursions mentales sont les seules auxquelles je me livre. Quand je songe à mon goût pour l’application et à mon amour du repos, je suis tenté d’être fier de ces goûts qui sont tout au rebours de ceux que Tacite reproche à nos ancêtres les Germains, puisque

J’aspire au repos en fuyant la paresse. »

En cet endroit il ne put continuer : il lui prit une quinte de toux sèche, qui me perça le cœur. Hélas, me dis-je, en jetant les yeux sur les joues pâles et amaigries de mon pauvre ami, ce n’est pas son esprit seulement qui sera victime de la fatalité de ses études.

Je fus quelques instants avant de reprendre la conversation, et je recommençais à peine quand je fus interrompu par l’entrée de Benjamin Jérémie, porteur d’un message de sa tante, qui annonçait que le dîner serait prêt dans quelques minutes. Un nouvel entretien à voix basse s’engagea entre Christophe et son neveu. Le ci-devant fellow de Trinity-college jeta sur ses propres habits un regard embarrassé. Je vis qu’on lui avait envoyé dire qu’il était convenable qu’il fît un peu de toilette. Voulant lui donner le temps de se conformer à cet ordre, je priai le jeune homme de m’indiquer une chambre où je pusse me livrer