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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/64

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lugubre pays qu’il me faudrait parcourir avant d’atteindre au port désiré de Chester-Park. Comme je venais de quitter la grande route, le vent qui jusque là était vif et pénétrant tomba tout à coup, et je vis un nuage noir qui s’avançait derrière moi et fut bientôt au-dessus de ma tête.

En général une ondée ne me fait pas peur, mais, comme il arrive toujours, lorsque nous sommes mal disposés, que nous nous exagérons le moindre désagrément qui survient, je jetai un regard terriblement malveillant au nuage qui me poursuivait. En même temps, je mis mon cheval à une allure qui convenait mieux à mes sentiments qu’aux siens, car la pauvre bête paraissait songer avec tristesse à l’écurie dépourvue d’avoine de mon ami Clutterbuck.

J’avais fait environ trois milles, lorsque j’entendis retentir derrière moi le sabot d’un cheval. J’allais si lentement que je fus bientôt rejoint ; le cavalier qui survint tira les rênes lorsqu’il arriva vers moi, et en me retournant je vis que c’était sir John Tyrrel.

« Bon, pensai-je, voilà qui est heureux : car je commençais à craindre de faire route tout seul par cette nuit froide.

— Je pensais que vous étiez rentré depuis longtemps à Chester-Park par ce mauvais temps, lui dis-je, vous n’avez donc pas quitté les courses avec notre société ?

— Non, répondit Tyrrell, j’avais affaire à Newmarket avec un drôle, qui a nom Dawson. Il a perdu contre moi un pari considérable, et il m’avait prié de l’accompagner en ville après la course pour toucher la somme. Comme il me dit qu’il habitait sur la route de Chester-Park et qu’il me dirigerait et au besoin m’accompagnerait pour me montrer le chemin qui n’est pas facile, je regrettai moins d’avoir abandonné Chester et ses amis. Vous savez, Pelham, quand le plaisir vous tire d’un côté et l’argent de l’autre, c’est le premier qui a tort. Mais pour en revenir à mon gredin, croiriez-vous que, à peine engagés sur la route de Newmarket, il me laisse à l’auberge sous prétexte d’aller chercher son argent, et qu’après l’avoir attendu pendant plus d’une heure dans une chambre froide, avec une cheminée qui fumait, et ne le voyant pas revenir, je pris le parti de sortir et de parcourir la ville. Je trouvai enfin mon