Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plis les plus cachés de mon cœur ambitieux et entreprenant, c’était la sœur d’un assassin !

Alors je me rappelai la joie sauvage que j’avais vu briller dans les yeux de Thornton, lorsqu’il tenait en main ce médaillon, témoignage de la culpabilité de Glanville ; et malgré toute mon horreur pour le crime de mon ancien ami, je tremblais pour ses jours. Je n’étais pas non plus satisfait de la prévarication dont je m’étais rendu coupable comme témoin. Sans doute, j’avais dit la vérité, mais je ne l’avais pas dite tout entière ; et mon cœur bondissait et se soulevait avec douleur contre cette miniature que je cachais dans mon sein.

Je me disais que pour sauver un criminel, au salut duquel j’étais, par sentiment, personnellement intéressé, j’avais pactisé avec l’honneur, rusé avec la vérité et manqué au plus sacré et au plus inviolable des devoirs, celui de la justice.

J’avais le pouls agité et les joues en feu lorsque j’arrivai à Londres. Dans la nuit, j’eus une fièvre violente ; on fit venir les vautours de la médecine ; je fus saigné copieusement, et retenu au lit pendant six jours. Au bout de ce temps, la force de ma constitution et ma jeunesse reprirent le dessus. Je lus avidement le premier journal qui me tomba sous la main. Le nom de Glanville frappa mes regards. Je lus le paragraphe qui le concernait : c’était un dithyrambe, un panégyrique pompeux de son génie et du grand avenir qui lui était réservé. Je regardai à une autre colonne, et j’y vis un long discours qu’il avait prononcé la veille à la chambre des Communes.

Cela est-il possible ? me disais-je. Oui, et c’est là un des mystères incompréhensibles du cœur humain. Un homme peut commettre le plus grand crime et (si ce crime n’est point suivi d’un autre) le cours ordinaire de sa vie n’en sera point changé ni interrompu. Pour tout le monde, dans tout ce qu’il entreprend, en toutes choses enfin il est le même qu’avant. Il peut servir son pays, obliger ses amis, être brave, généreux, bienveillant, tout aussi bien que par le passé. Un crime, si hideux qu’il soit, ne cause pas nécessairement une révolution dans le caractère et la destinée d’un homme. Ce n’est que par une suite non inter-