Page:Bunyan - Le pelerinage du chretien a la cite celeste.djvu/204

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Chrétien. Très-bien raisonné : continuez, je vous prie.

Grand-Espoir. J’ai eu fréquemment, même depuis que j’ai réformé mes mœurs, un autre sujet d’inquiétude que je vais vous faire connaître. En examinant attentivement et consciencieusement mes meilleures œuvres, j’ai vu que le péché, que de nouveaux péchés s’y mêlent sans cesse, en sorte que quelque bonne opinion que j’eusse de moi-même et de mon zèle pour mes devoirs religieux, je me suis vu forcé de convenir que dans un seul jour je commettais assez de péchés pour mériter d’aller en enfer, alors même que ma vie passée aurait été innocente.

Chrétien. Que fîtes-vous alors ?

Grand-Espoir. Je ne sus que faire jusqu’au moment où je pris le parti d’ouvrir mon cœur à Fidèle avec qui j’étais très-lié. Il me dit que ni ma justice, ni la justice de tous les hommes ensemble ne pourrait me délivrer de la condamnation ; que je ne pouvais être sauvé que par la justice d’un homme qui n’eût jamais péché.

Chrétien. Et crûtes-vous ce qu’il disait ?

Grand-Espoir. S’il m’avait parlé ainsi quand j’étais encore aveuglé sur mon état et satisfait de mes progrès, je l’aurais pris pour un fou ; mais depuis que j’ai commencé à connaître ma misère, et que j’ai vu le péché qui se mêle à mes meilleures œuvres, je n’ai pu méconnaître la justesse de ce qu’il disait.