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Page:Burney - Evelina T2 1797 Maradan.djvu/255

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graces de madame Beaumont, qui n’est pas d’ailleurs d’un commerce aisé.

Je me suis mortellement ennuyée pendant toute la journée ; il m’a fallu supporter à la fois, et les importunités indiscrètes de sir Clément, et le silence révoltant de mylord Orville. L’un ne m’a pas quittée un instant, l’autre ne m’a pas dit un seul mot ; le premier faisoit naître les occasions de m’entretenir, l’autre les fuyoit avec soin.

Je commence à croire, mon cher monsieur, que le changement trop subit dans ma conduite envers le lord étoit déplacé. À tout prendre, il ne m’a donné nul sujet de mécontentement ; et le motif de cette altération étant uniquement à ma charge, je n’aurois pas dû m’astreindre à une réserve que je ne puis pallier par aucune raison légitime : d’ailleurs, il étoit naturel que l’affectation avec laquelle j’évite sa société, fit un mauvais effet.

Hélas ! monsieur, mes réflexions viennent toujours trop tard : il faut avouer que je paie bien cher le peu d’expérience que j’acquiers, et je prévois qu’il m’en coûtera encore beaucoup avant que j’arrive à ce point de prudence dont le sage se sert pour régler sa conduite présente et pour prévenir des embarras éloignés.