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Page:Burney - Evelina T2 1797 Maradan.djvu/36

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instant elle tomba sans connaissance à mes pieds. Je n’essaierai point, madame, d’achever ce tableau cruel ; un cœur tel que le vôtre me dispensera aisément une tâche aussi pénible. Dès que ma mère eut repris l’usage de ses sens, elle me raconta des événemens qu’elle avoit espéré de couvrir à jamais d’un voile impénétrable. Hélas ! ce n’étoit point la mort qui lui avoit enlevé mon père. — Lié avec elle par les seuls liens de l’honneur, il l’avoit abandonnée. — Notre établissement en Écosse n’étoit point l’effet du choix de ma mère : — elle y avoit été reléguée par une famille justement irritée. Pardonnez, madame, si j’abrège cette narration.

Je succombai sous le poids de ma misère, et je passai une semaine entière dans un délire perpétuel. Ma mère étoit encore plus à plaindre que moi : elle ne mit point de frein à sa douleur, se reprochant sans cesse le danger auquel sa trop grande réserve m’avoit exposé. Après bien des efforts, je repris une assiette un peu plus tranquille ; mais ce repos fut bientôt troublé par d’autres inquiétudes, je ne recevois point de lettres de Paris, et quoique ce retard pût être causé par les vents contraires, il