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Page:Burney - Evelina T2 1797 Maradan.djvu/51

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leur lança un regard plein d’indignation, et ne dit plus rien.

Madame Duval, à qui les apparences en imposent si facilement, avoit pris jusqu’ici les deux femmes qui s’étoient mises de notre partie pour des personnes du bon ton ; elle commença cependant à concevoir de la défiance, et elle jugea à propos d’arrêter une loge pour y attendre M. Branghton. Nous y fûmes suivies par ces créatures hardies, et mylord Orville me souhaita le bon soir d’un air de gravité qui me perça le cœur. Je n’eus pas la force de lui répondre ; mais pour peu que ma physionomie ait été d’accord avec mes sentimens, elle devoit porter l’empreinte d’une profonde mélancolie. J’ai lieu de croire qu’il s’en apperçut, car il ajouta avec douceur : « Si miss Anville daignoit me donner son adresse, je lui demanderons la permission de lui rendre mes devoirs avant que de quitter Londres » ?

Cette question inattendue acheva de me décontenancer ; je lui dis en tremblant que je demeurois dans Holborn : il me fit une révérence, et s’en alla.

Que doit-il penser de cette aventure ? Toutes les apparences sont encore contre moi ! Avec un peu de présence d’esprit je