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Page:Burney - Evelina T2 1797 Maradan.djvu/95

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la conversation ; il l’a continuée malgré cette défaite, et, à ma grande surprise, il a fait le panégyrique du lord dans les termes les plus forts, prônant sur-tout sa conduite décente et honnête à Marybone. J’avois les joues en feu, et bien de la peine à contenir mon dépit. Pouvois-je, en effet, entendre louer tranquillement par le meilleur des hommes, celui dont je m’étois fait autrefois l’idée la plus flatteuse, et qui, par sa conduite, m’a détrompée si cruellement !

Je crains d’apprendre ce que M. Villars aura pensé de mon silence et de mon embarras ; mais j’espère qu’il ne touchera plus cette matière. En attendant, j’aurois des reproches à me faire, si je me livrois à une mélancolie qui devient contagieuse pour le respectable vieillard, dont le consentement me tient à cœur par devoir. Je suis reconnoissante de ce qu’il n’a point persisté à sonder ma plaie, et je tâcherai de la guérir par la conviction que j’ai de n’avoir pas mérité l’affront qu’on m’a fait essuyer. Mais n’est-il pas triste, ma chère, de vivre dans un monde trompeur, où il faut se défier de ce qu’on voit, de ce qu’on entend, et même de ce qu’on sent !