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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/271

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glisse est sans aspérités, sont accompagnés d’un enseignement de plus en plus profond qui illumine son intelligence et conquiert son assentiment, ses promesses et ses serments. Une grâce divine pénètre ses sens et sa raison ; il la goûte, il la proclame, il la confesse ; son âme est renouvelée ; il a dépouillé le vieil homme ; il marche dans la gloire de son église ; il est prêt à combattre et à mourir pour elle, jusqu’à l’heure où les misères de la vie et la lutte pour l’existence le ramènent à la triste réalité.

C’est celle-ci qui use et souvent brise les chaînes adorables de l’orthodoxie. Le manger et le boire, le labour, le commerce, les métiers, les professions plus nobles de l’homme de loi, du politique, du savant, chassent loin de nous le bonheur mystique des élus et des saints. L’Inde, qui l’a bien compris, a trouvé contre ces misérables occupations des hommes un remède héroïque, la mendicité : le vrai yôghi renonce à toutes choses ; il n’a point de domicile ; il se couvre d’un lambeau d’étoffe, ramasse dans les balayures de la rue une écuelle brisée, et va de maison en maison quêter sa vie. Au fond, c’est un oisif, qui se fait nourrir par les gens de labeur ; si tout le monde l’imitait, tout le monde et lui-même mourraient de faim, en méditant « sur les perfections du yôga. »

Ce sont là des déviations d’orthodoxie, dont toutes les religions fournissent des exemples, et dont la folie humaine. peut seule être responsable ; mais comme la réalité, à laquelle on prétend échapper par cette méthode, pèse sur chacun de nous et nous tire bon gré malgré en sens contraire de la religion, qui est tout idéale, celle-ci, quand elle a passé à l’état d’orthodoxie, a toujours été conduite à contracter avec la réalité des alliances avantageuses. De là le caractère politique qu’ont pris tour à tour la plupart des religions.