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bandiers en étaient très incommodés ; ils allaient sans rien dire, sachant que toute plainte était inutile et qu’il fallait aller ainsi longtemps pour atteindre le but du voyage. Heureusement le ciel n’était pas trop sombre, il avait cette demi-teinte gris-clair que lui donne la lune, cachée derrière les nuages, qu’elle éclaire sans les percer et dont ils envoient le reflet sur notre planète.

Le Doubs charriait, avec un fracas inaccoutumé, des eaux limoneuses, des bois, des planches que le courant avait entraînés, des pierres et d’autres débris. On eût dit le roulement d’un tonnerre formidable, traversant la vallée étroite. La mêlée de tous ces bruits eût rempli d’épouvante de plus courageux que les hommes de Maurice ; mais ces derniers, habitués aux nuits obscures de ces parages, n’y prêtaient qu’une très médiocre attention, tous leurs sens étant déjà suffisamment absorbés par les dificultés de leur marche aventureuse.

— Halte ! fit tout à coup le chef.

— Qu’y a-t-il ? demanda Emile Brossard.

— D’abord, nous devons prendre quelques minutes de repos. Voici le passage le plus difficile. Si nous pouvons grimper au sommet