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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/224

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à tes yeux ! C’est toi, voyons, parle ! Puisque tu ne l’aimes pas.

Un mauvais sourire effleura les lèvres d’Ali Gaudat. Mordu par la haine que le nom de Maurice éveillait en lui, il riposta, ne mesurant plus ses paroles :

— Et puis, si tu disais vrai ? Si, pour me débarrasser, de lui, je l’avais dénoncé aux gabelous ? La vie est une lutte, et l’on serait bien bête de ne pas être le plus fort… si on le peut. Ton bel ami me gênait, nous étions un de trop dans cette vallée. Mais tu me juges pire que je ne suis. Ces douaniers se sont trouvés là par hasard, comme ils auraient pu se trouver ailleurs, car ils n’en sont plus à ignorer, depuis des jours et des mois, que la contrebande se fait dans cette contrée. Moi, le livrer ? Ce n’était pas la peine. Une fois ou l’autre, tout contrebandier y passe, si ce n’est aujourd’hui, c’est demain, ou plus tard. Ce métier ne vaut rien, et une jeune fille ne doit pas être flattée de devenir la femme de l’un de ces hommes-là.

Ah ! si tu voulais, Yvonnette ! Comme il serait agréable de vivre ici, dans ce coin perdu ! Tu m’aimeras, n’est-ce pas ? puisque l’autre, ce Maurice, est parti pour toujours.