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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/40

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n’a jamais revu son époux, l’homme qu’elle avait promis de rendre heureux par son amour et sa fidélité.

Souvent, à travers les jours qu’elle a ainsi passés avec l’espoir d’un joyeux retour, elle a reporté son esprit au temps de sa jeunesse, aux premières années de sa vie de femme, quand, sous les ombrages de leur jardin, elle se promenait avec Philippe de Laroche, son fiancé d’abord, plus tard son mari. À ces souvenirs d’un passé enfui, égayé de la plus complète félicité, des larmes amères coulaient le long de ses joues pâlies, désolaient ses nuits sans sommeil que hantait parfois l’épouvantable vision d’un cadavre. Ah ! lorsque la désespérance l’assaillait, qu’elle doutait de Dieu, des hommes et des choses, et de l’avenir de son cher Maurice, elle ne comptait pas les souhaits de mort qui s’élevaient du fond de son cœur !

Et où aller ? Elle avait bien songé à retourner en Franche-Comté pour revendiquer les biens qui avaient jadis appartenu à sa famille ; mais, pauvre femme ignorante de tout, elle n’en avait pas eu le courage, d’autant plus qu’elle s’imaginait, à tort ou à raison, qu’on lui contesterait ses droits, pour la reconnais-