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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/75

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matin d’été, l’air tout embaumé des fleurs qui s’épanouissent, de penser qu’un jour une autre fleur s’ouvrira, une âme de femme, belle et pure, et frémissante d’amour. C’est l’illusion suprême de la jeunesse, surtout si aucun regard, aucune pression de main ne vous a encore fait tressaillir. Et il en était ainsi pour Maurice Delaroche. Poussé comme une plante vivace à côté de sa mère, il n’avait pas, jusque-là, songé à cet avenir que d’autres entrevoient déjà beaucoup plus tôt. Il s’était tout simplement laissé vivre, content de voir des visages souriants autour de lui, quand, le soir, il rentrait de son travail ou d’une promenade dans les environs.

Plus d’une jeune fille, pourtant, eût été fière d’arrêter son choix. On en parlait même, aux longues veillées du village ou pendant les tranquilles après-midi de l’été ét de l’automne, alors que la population s’égrenait sous les vieux sapins des verts pâturages. Pourquoi n’était-il donc pas comme les autres ? N’avait-il pas de cœur ? Ou était-il insensible aux charmes rustiques des jeunes montaignates ? Parfois, en passant, si le hasard le mettait en présence d’une jolie figure, il souriait d’un