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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/74

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le regard. Détaché de la montagne, il s’élève, isolé, ressemblant à un immense pain de sucre aux flancs enveloppés d’un lierre plusieurs fois séculaire. Jadis un habitant de la contrée, le père Bornod, je crois, affirmait qu’un jour ou l’autre cette masse rocheuse allait tomber et écraser dans sa chute le moulin du Doubs. Sa prophétie ne s’est pas réalisée : toujours debout, le rocher semble défier les ravages des temps et montrer aux chétifs humains la sereine indifférence des choses de la nature.

On eût dit, à l’allure de Maurice, qu’il n’avait aucune hâte d’arriver au but de son voyage. Pourquoi se serait-il pressé ? Il était plus que persuadé, il était certain que sa démarche n’aurait pas de résultat heureux. Sa mère ne lui avait-elle pas parlé d’une semblable, course que Pierre avait faite sans rien découvrir ? Vingt-cinq ans s’étaient écoulés depuis ces événements : on ne connaissait peut-être même plus le nom de la famille Delaroche.

Et puis, à l’âge qu’avait Maurice, lorsque le cœur est à la bonne place, qu’on jouit d’une santé vigoureuse, on aime à rêver le long des chemins. Cela est si agréable, par un clair