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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/97

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préférence le visage de l’étrange femme. Ce front bas, coupé de rides profondes, ces yeux veinés de rouge et enfoncés sous des arcades sourcilières très proéminentes qu’accentuait encore la profondeur de l’orbite, la chevelure grisonnante, rare et sale, la bouche presque édentée, les joues tachetées de plaques vineuses, toute cette figure enfin faisait une impression désagréable et trahissait les longues ivresses tranquilles. Et son verbe sonnait haut, en un enrouement qui cassait les oreilles, l’abus des eaux-de-vie ayant déjà à moitié rongé les cordes vocales. Des vêtements négligés couvraient un corps aux chairs molles, retombantes. Murillo n’eût pas dédaigné d’essayer son pinceau à reproduire cette physionomie. Et, à voir ses regards errant de ci de là, lesquels ne s’arrêtaient longtemps sur aucun objet, on croyait avoir devant soi un être de légende, n’ayant de l’humanité qu’une enveloppe charnelle.

À son premier passage, Maurice n’avait pas remarqué tous ces détails. Cette fois, il ressentait comme une aversion pour la personne qu’Yvonnette appelait sa mère. Etait-ce possible, cette filiation ? Comment avait-elle pu donner le jour à une si charmante enfant ? Il