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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/82

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LE FORGERON DE THALHEIM

mère. Depuis, j’aime Suzanne. Sa fleur est là-haut, dans ma chambre, entre deux feuillets de ce beau livre dont tu m’as fait cadeau à ma fête, il y a deux ans. Mais Suzanne ignore le sentiment que j’éprouve, et, pour rien au monde, je n’aurais le courage de le lui avouer. Je serai malheureux, je le sais bien ; mais ne m’en veux pas trop, mère, je n’ai pas pu commander à mon cœur.

Robert, ayant terminé sa confession, attendit. La mère, la tête appuyée dans ses mains, réfléchissait et revivait, pour ainsi dire, tout son passé. Ces mots d’amour honnête que son fils exprimait pour une autre femme, tombant lentement dans son âme, ne firent vibrer aucune fibre égoïste de son excellente nature. Pauvre garçon ! Si son pressentiment allait se réaliser ! Jamais heureux ! Non, cela ne serait pas, cela ne pouvait pas être ! Et, cependant, à la pensée des obstacles qui s’opposaient au bonheur de son enfant, des larmes abondantes jaillirent de ses yeux. Elle voyait sombre. Rapidement elle les essuya. Puis relevant enfin le front, Robert vit de nouveau ce bon visage qui lui souriait complaisamment, avec une expression de joie mêlée d’une ineffable tristesse. Il approcha sa