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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/263

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Ah ! s’endormir dès l’aube de ce jour sans fin qui s’appelle la vie terrestre, arriver au but sans fournir la course, se coucher parmi les fleurs et les dentelles fines, reposer au milieu d’enfants joyeux, de parents consolés…

Pour moi, comme pour tant d’autres, c’eût été le bonheur !

C’est pourquoi je chante avec les petits enfants de Madrid :

« … Montez, montez au ciel, petits anges de Dieu ! »


C’est nous les hommes, les grands, les raisonnables, qui avons rendu la mort hideuse à plaisir. Nous avons fouillé parmi les squelettes, nous avons choisi le plus grand, le plus vieux. Nous lui avons jeté sur le crâne un voile noir, nous lui avons mis une faulx dans la main. Et nous avons dit :

« De profundis ! Lamentons-nous ! Voici la Mort ! la Mort décharnée ! »

Les petits, les espiègles, les enfants des Espagnes ont regardé parmi eux ; ils ont choisi la petite fille la plus rose et la plus gracieuse ; ils ont jeté sur son cou la gaze transparente, ils ont mis dans sa main la fleur du lys aimée de Murillo. Et ils ont dit :

« Eccè soror angelorum ! Réjouissons-nous ! Voici la fraîche Résurrection ! »

Les hommes font peur de la mort aux enfants ;