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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/323

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Ce qui soustrait du pays une somme considérable de capitaux qui n’y reviennent guère.

Au milieu de l’Europe industrielle, Turin est donc comme une île — une isolée, disent les Italiens — bornée, sans plus d’espoir, à ses pauvres ressources, à ses pauvres besoins, ne jouissant pas, comme Madrid, de débris de richesses antérieurement acquises, n’ayant pas, ainsi que Rome, privilège de mendicité, ne pratiquant pas la ruse commerciale comme les petites républiques suisses. C’est un pauvre centre, un pauvre astre sans rayons. C’est une pauvre succursale, vivant pauvrement de la pauvre subvention que lui fait un gouvernement pauvre. C’est une contrefaçon maladroite, forcée de lutter contre des fabriques admirablement organisées. C’est un trop-plein, une superfétation, un gui, une verrue, une sorte de monstruosité non viable, se débattant vainement contre l’atonie, l’apathie, la torpeur, la médiocrité, l’incapacité du milieu qui l’entoure. C’est une culture déposée dans un mauvais sol et qui jamais n’y grandira. C’est comme un sacrifice d’Isaac qu’il faut renouveler sans cesse, comme un perpétuel tribut au glouton Monopole, comme une saignée qu’on 473 laisserait couler, comme un cautère, c’est le mot, sur la vigueur du Piémont !

Et plus Turin s’obstinera, s’activera, se forcera dans sa tâche, plus rapidement il précipitera sa chute. Et cependant, cette industrie mort-née ne peut reculer, ne peut avancer, elle est acculée dans une impasse où il lui faut mourir ! Elle ne saurait