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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/352

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Victimes de la misère, sacrifiées sans bonheur et sans gloire, c’est ainsi que les enfants des plus pauvres donnent toute leur vie pour sauver le plus menacé de leurs jours. Et les mêmes hommes qui élèvent des statues à Éponine en font ensuite des morceaux pour jeter à la face des prostituées ! Oh malédiction !

Et c’est une société, ce ramassis de prêtres, de soldats et de célibataires par calcul qui versent le sang et l’honneur des filles déshéritées ! C’est une société, ce tripot de commerce, ce jeu de roulette et de bourse où tout homme qui gagne a le droit de mépriser sa sœur et de la souiller pour deux francs ! !

Pères, frères, fils et amants de femmes aimantes… si celles qui vous sont chères étaient contraintes une seule fois de gagner leur pain et le vôtre à la rougeur du front, dites, la défendriez-vous, cette civilisation qui ne vous laisserait que vos poing pour maudire ? Non certes ! Et parce que vous n’en êtes pas victimes, parce que vous ne portez pas un de ces deuils irréparables, vous vous estimez heureux, fiers de l’ordre des choses, disposés à étendre la plaie de la prostitution, à la faire saigner cruellement, après joyeux repas ! Mais qui donc vous répond que le flot de fange ne montera pas jusqu’à vous, qu’il n’arrachera pas de leurs gonds les portes de vos demeures ? Ah quand elles sont venues au monde, celles que vous achetez aujourd’hui, leurs pères ne pensaient