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Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/41

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exister sans une armature politique et sociale à la fois solide et souple, et qui engendrait les sentiments d’orgueil et d’honneur de classe nécessaires à sa propre conservation. Il y avait un corps bourgeois, une classe bourgeoise, très forte, fière d’elle-même, et qui nourrissait et développait, à l’intérieur de ses cadres, dans ses maisons (car elle créait des maisons, comme la noblesse) un sens de l’honneur propre à sa situation, et dont les éléments lui étaient fournis surtout par l’exercice de ses métiers et de ses fonctions. L’excitation sentimentale que constituait à côté d’elle la vie noble ne détruisait pas cet honneur, mais l’empêchait de se limiter, de se rétrécir, en l’invitant, au contraire, à se dépasser par l’élévation de quelques individus ou de quelques familles.

L’armature politique et sociale, les cadres ayant été brisés par la Révolution, le corps bourgeois disparaît. Idées, sentiments et mœurs sont détruits. Cinquante ans après, il n’y a plus de bourgeoisie. C’est, dit Proudhon, une cohue. Il y a toujours des bourgeois ; mais c’en est fini de la classe. Aujourd’hui, l’observation de Proudhon peut être généralisée. Il existe un nombre de bourgeois infiniment plus grand que sous l’ancien régime ; leur richesse est beaucoup plus importante. Mais ils ne forment plus de corps ; ils ne connaissent pas leur fonction ils n’ont plus d’idées ni de mœurs particulières et propres à leur conservation, sinon sur un point qui intéresse d’ailleurs le seul caractère qui leur soit commun ils ne se connaissent que comme possesseurs de capitaux. L’orgueil et l’honneur de classe ont disparu ; le sentiment de la dignité professionnelle n’existe plus. Il reste exclusivement des appétits. Une vie bourgeoise parait réglée uniquement par tes règles qui dominent ce problème : par quels moyens