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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/31

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COMÉDIE

CLERMON.

Réfléchis, tu verras qu’elle n’est pas heureuse.
Son pere & Polidor, dans le lointain pays,
Se virent autrefois, devinrent bons amis ;

(Il imite les deux vieillards.)
L’intimité s’accrut. — Vous connoissez ma fille,

Dit ton Maître. — Le mien répond : elle est gentille :
Vous savez qu’à Paris j’ai laissé deux neveux.
Partez, allez les voir, & faites un heureux.
J’aurai soin de vos biens. — Ton Maître avec sa fille
Part bientôt pour chercher sa nouvelle famille ;
Tu les suis, on arrive, on n’a plus qu’à choisir,
Quand l’honnête étranger soudain vient à mourir,
Et retarde par-là les noces de Constance.
Voilà de son chagrin deux bons motifs, je pense.
Mais Polidor bientôt va réparer cela.
Dis : entre ses neveux a-t-on choisi déjà ?

MARTON.

Nous soupirons beaucoup.

CLERMON.

Nous soupirons beaucoup.Lequel des deux sait plaire ?

MARTON.

Je l’ignore, & voilà ce qui me désespere ;
J’ai, pour le découvrir, tout tenté vainement.

CLERMON.

Toi, fille & curieuse ! oh ! le trait est piquant.

MARTON.

J’en suis inconsolable ! encor jeune, innocente,
Elle voudroit cacher sa tendresse naissante.
La fierté de son sexe & les efforts d’un cœur,
Qui n’ose s’avouer à lui-même un vainqueur,