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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/59

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COMÉDIE

PHILEMON.

Mon amitié me dicte un excellent projet.
(D’un ton caressant.)
Tout le monde vous dit un docte personnage :
Votre nom peut lui seul illustrer un ouvrage…

DURAND.

Mais…

PHILEMON.

Mais…Je vous fais du mien un généreux présent.
(Bas.)
Je me tais s’il déplaît, je me nomme s’il prend.

DURAND.

Il est vrai que moi seul ayant su vous apprendre
Les choses qu’il contient, l’honneur, à le bien prendre…

PHILEMON.

Vous en revient. D’ailleurs, soutenez hardiment
Que l’ouvrage est de vous quatre jours seulement ;
Bientôt vous le croirez plus que le plus crédule.
Nos Auteurs du bel air ont-ils un tel scrupule ?
Paris, comme la Cour, connoît leur Apollon.
Ces Odes où l’on fait rougir Anacréon,
Ces Bouquets sans odeur désavoués de Flore,
Ces Épîtres où brille une éternelle aurore,
Ces Éloges fardés distillant la fadeur,
Ces Drames où Thalie est toujours en fureur,
Tant d’autres monstres nés au sein de la misere,
Dans le fat qui les paye ont un crédule pere,
Qui, sottement bercé par l’orgueil, par l’erreur
Se croit un habile homme & s’érige en censeur.
Quel censeur ! juste ciel !

DURAND, riant.

Quel censeur ! juste ciel ! La plaisante sotise !