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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/112

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non telles qu’il les énonçait, il restait persuadé de leur exactitude, même lorsqu’un auditeur, en veine de polémique, croyait l’avoir convaincu d’excès ou lorsqu’un de ses familiers le surprenait en délit de contradiction. Alors, maladroit comme tous les sincères, ne trouvant pas le mot heureux pour échapper à son embarras, il se contentait d’en subir la gêne et ne se rétractait pas. Tel est le mécanisme intime qui le butait à des thèses d’exception, dont les extrêmes conséquences n’étaient pas d’accord avec son véritable fonds de jugement. Pour ne parler que de Michel-Ange, qualifié génie stérile dans sa première préface, Leconte de Lisle le considérait comme Bonaparte a considéré les Pyramides ou le géant Frion, avec une impression d’écrasement. Lorsqu’il en parlait, il élevait soudainement le style de ses paroles pour évoquer l’œuvre surhumaine du prodigieux Toscan, l’œuvre faite de douloureuse grandeur et de colossal tourment. N’avait-il pas, d’ailleurs, placé la réduction du Moïse en belle lumière dans son salon ?

Ses autres admirations, acquises sans réserve à Dante et Shakespeare, s’inclinaient aussi devant la noble éloquence de Chateaubriand, les intuitions créatrices d’Augustin Thierry, les qualités héroïques de Fenimore Cooper ou puissamment constructives de Walter Scott. J’ai souvenir qu’on lui répéta l’une des boutades qu’un de ses plus jeunes familiers se plaisait alors à semer au vent des boulevards. Oubliant, pour le temps d’un bon mot seulement, son respect ordinaire des excellentes traditions et faisant allusion aux bronzes d’art romantiques qui reproduisaient des personnages ou des scènes tirés des récits de Walter Scott (Ivanhoë, Diana Vernon), François Coppée quelque peu gavroche, mais nullement frondeur, n’avait pas cru commettre un grand crime en définissant ainsi les romans de l’illustre descendant des chefs de clans écossais : « C’est de la littérature pour dessus de pendules. » Leconte de Lisle, lorsque le mot