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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/221

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ment Iakiste. Suivant ces positivistes, il fallait renoncer, pour la connaissance du monde, à toutes les notions qui ne peuvent être matériellement observées, scientifiquement décrites. Plus d’hypothèses vaines et décevantes ; leur contrôle échappe aux vérifications de l’esprit qui, s’il ne veut errer, doit se résigner à marcher dans les voies positives en se désintéressant de l’au-delà. Seuls les faits du monde physique, visibles ou sensibles et sûrement vérifiables, sont susceptibles d’être retenus par la science, afin qu’elle en dresse la liste, qu’elle établisse avec eux le registre du monde, quitte plus tard à tirer de tous ces faits compulsés et dûment constatés des comparaisons exactes, des déductions rigoureuses d’où se dégageront les lois d’ensemble de la nature.

Anatole France était particulièrement séduit par cette théorie qui paraissait avoir pour elle la condition première d’un grand sens pratique. Savoir limiter le champ de l’entendement à ce qu’on peut connaître avec certitude, c’est-à-dire s’en tenir pour en raisonner à ce qu’on voit, ce qu’on entend et ce qu’on touche ; chasser du domaine de l’esprit les fantômes de l’inconnaissable et n’accepter qu’une vérité, la seule que nos sens puissent contrôler dans la nature palpable, n’est-ce pas un système d’apparence très sensé. Toutefois, par cela même qu’il se confinait dans le tangible et le concret, ce système proscrivait le rêve, l’envolée dans l’abstrait ; il arrachait à l’esprit ses aspirations les moins définies, mais aussi celles qui lui sont le plus chères, et c’est en les dupant à propos d’eux-mêmes qu’il put plaire aux Parnassiens. Obsédés par le souci de la belle forme plastique et précise, ils crurent voir dans l’application de la doctrine positiviste à la poésie le moyen pour eux de satisfaire ce besoin de perfection. Rien ne gêne la fermeté du vers, ne nuit à la solidité lapidaire, comme la nécessité de planer sur le vol du rêve dans les mystérieux espaces où vogue la pensée. D’essence vague et fluide, l’idéal