Aller au contenu

Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le front au souffle lénifiant et sourit aux fadeurs des lèvres qui flattent. Sa main d’impérieux écrivain, jadis si chatouilleuse de réserve, prit la suave habitude de s’abandonner pendant de longues heures à la tiède étreinte des doigts caressants. Et ce fut la misère de sa grandeur finissante, de se laisser dorloter par ces « berceuses », qui se font les sœurs câlines, les servantes cajoleuses des gloires au déclin. Et l’homme qui déserte la voie des hommes pour céder à cette grâce endormeuse de la femme revient insensiblement à la nourricerie.

Oui, malheur à celui sur qui pèse le vain esprit de la femme, car seule la pensée mâle procède d’un effort musculaire assez robuste pour être noblement stimulante, vigoureusement éducatrice. Elle seule élève, élargit, grandit ce qu’elle approche et ce qu’elle touche. Le dernier siècle, en sa seconde moitié du moins, a montré ce qu’il en coûte à la force morale d’un peuple qui se fait trop féministe. Il a désappris le sens des idées générales, réduit la polémique à la discussion des intérêts les plus immédiats ou des plus minces incidents ; du grand conflit de la vie il n’a su retenir que les menus faits ; il a ramassé l’anecdote et rejeté l’idée par indifférence pour les principes.

Ce goût étroit et misérablement concret est tout féminin ; il répond au besoin de curiosité mesquine, de bas caquetage, et prédomine dans un temps où les femmes écrivent trop, ne se taisent pas assez et veulent mener l’opinion qu’elles influencent et qu’elles rabaissent avec elles. C’est le temps d’infériorité cérébrale et d’indécision morale, le temps où règne en souverain le papotage de salon, le temps où des écrivains charmeurs peuvent acquérir une réputation de profonds esprits en délaissant les forts axiomes de la rude raison pour s’adonner à certaine philosophie de luxe, dont les brillants sophismes sont à la véritable puissance de penser ce qu’est à la mine de diamants l’écrin du joaillier. C’est le temps où, pour se plaire