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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/319

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aux romans à la mode, il faut commencer par se faire une psychologie de femme, s’obliger à trouver du goût aux modernités niaises, aux futiles élégances, aux minuscules subtilités passionnelles, comme à tous les délayages d’âme qui sont d’essence intime dans la vie des grandes dames que de tels romans mettent en scène.

Et ces mondanités, ces faux luisants, ces vernis qui cachent le manque de sève ou le pourri des fibres, sont le cachet d’une époque qui subit l’empreinte énervante de la faible penseuse. Alors le souffle fort de la nation s’aveulit et s’épuise ; le grand esprit politique se perd dans les minauderies de partis, la haute spéculation philosophique fléchit vers les fadaises du scepticisme, tandis que le goût du beau, la noble passion de l’idéal tournent à la sensibilité trop raffinée pour sombrer bientôt dans la nervosité du sensualisme.

Et toutes ces faiblesses ne laissent au cœur de l’homme que décevance et regrets. Leconte de Lisle en éprouva l’effet. Au milieu des belles Israélites et des étrangères titrées, dont la société brillante avait dupé son vieil esprit républicain et l’avait illusionné sur les fausses jouissances de la vie, il eut, loin des amis de son intelligence, le sentiment de son isolement et se prit à regretter sa belle attitude des jours hautains. Et, sous l’impression de son ultime détresse, je ne veux pas réveiller le souvenir des banalités mondaines que sa cérébralité glorieuse s’est condamnée pendant plus de quinze ans à subir sans joies pour sa conscience d’homme, sans profit pour son génie. Les quelques épisodes que je pourrais rapporter sur ses réceptions en ces dernières années sont d’une niaiserie décourageante et je laisse à d’autres le soin de les écrire et de rendre intéressant ce qui pour moi ne pouvait l’être et ne le fut point.

Ce n’est pas que dans le premier salon il n’ait jamais paru de dames ; mais elles ne pensaient pas,