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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/327

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XVII



Avec Victor Hugo les divergences d’esprit et de caractère n’atteignirent jamais à ce degré d’antagonisme irréconciliable ; mais, quand les relations, dénuées pendant longtemps d’aménité, se firent plus affables, ce ne fut qu’à la surface. J’ai dit ce que Leconte de Lisle reprochait à son illustrissime confrère, de n’être ni penseur, ni savant, de faire agir et parler les peuples à contresens de leurs idées et de leurs mœurs et de cacher sous des énormités d’images une parfaite ignorance de la simple réalité des choses et des faits. Il l’accusait encore de ne rien comprendre à la psychologie des hommes, d’avoir une morale platement bourgeoise, une philosophie presque enfantine, de courir la réclame, de manquer souvent de tact et constamment de simplicité. Ces reproches lui paraissaient être l’équité même, si bien qu’entraîné par sa colère contre la souveraineté d’un rival tout-puissant, il ne se privait jamais du plaisir de les exprimer dès que l’occasion s’en présentait. Sans doute il se retenait de trop acérer ses pointes ; mais, si ses piqûres semblent assez innocentes pour qu’on hésite à les rapporter, elles n’atteignaient pas moins celui qu’elles voulaient toucher. Entre vingt autres je citerai cet exemple. Leconte de Lisle sortait volontiers après son dîner pour acheter le journal ou du tabac. Il s’arrêtait à feuilleter les publications nouvelles sous les galeries de l’Odéon. Un soir, c’était vers 1893,