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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/365

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produit le pays, et ils échangent leur ouvrage, ou ce qui est la même chose, le prix de leur ouvrage, contre une plus grande quantité de matières et de vivres. Ils donnent une nouvelle valeur au surplus de ce produit brut, en épargnant la dépense de le transporter au bord de l’eau, ou à quelque marché éloigné ; et ils donnent, en échange, aux cultivateurs, quelque chose qui leur est utile ou agréable, à de meilleures conditions que ceux-ci n’auraient pu se le procurer auparavant. Les cultivateurs trouvent un meilleur prix du surplus de leurs produits, et ils peuvent acheter, à meilleur compte, d’autres choses à leur convenance et dont ils ont besoin. Cet arrangement les encourage donc, en même temps qu’il leur permet d’augmenter encore ce surplus de produits, par de nouvelles améliorations et par une culture plus soignée de leurs terres ; et de même que la fertilité de la terre a donné naissance à la manufacture, de même la manufacture, en se développant, réagit à son tour sur la terre, et augmente encore sa fertilité. Les manufacturiers fournissent d’abord le voisinage, et, plus tard, à mesure que leur ouvrage se perfectionne, des marchés plus éloignés ; en effet, si le produit brut, et même le produit manufacturé d’une grossière fabrication, ne peuvent, sans de très-grandes difficultés, supporter les frais d’un long transport par terre, des ouvrages d’un travail perfectionné peuvent le supporter aisément. Sous un petit volume, ils contiennent, souvent, le prix d’une grande quantité de produit brut. Une pièce de drap fin, par exemple, qui ne pèse que 80 livres, renferme, non-seulement le prix de 80 livres pesant de laine, mais quelquefois de plusieurs milliers pesant de blé, employé à la subsistance des différents ouvriers qui ont travaillé cette laine, et de ceux qui les ont mis en œuvre directement. De cette manière, le blé qu’il eût été si difficile de transporter au loin, sous sa première forme, se trouve virtuellement exporté sous la forme d’un produit complet et peut, sous cette forme, s’exploiter facilement dans les coins du monde les plus reculés. C’est ainsi que se sont élevées, naturellement et pour ainsi dire spontanément, les manufactures de Leeds, d’Halifax, de Sheffield, Birmingham et Volwerhampton. De pareilles manufactures doivent leur naissance à l’agriculture[1].

  1. Richesse des Nations, liv. III, chap. iii, Traduction du comte Germain Garnier, p. 503-504.