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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/82

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viduelles qui le constituent se ressemblent réciproquement et plus ces parties elles-mêmes ressemblent au tout. Plus un être est parfait et plus sont dissemblables les parties qui le composent. Dans le premier cas, ces parties sont, plus ou moins, une reproduction de l’ensemble ; dans le second, elles en sont totalement différentes. Plus les parties se ressemblent, moins il existe entre elles de subordination réciproque : la subordination des parties indique un haut degré d’organisation[1]. »

Ces paroles de Goëthe sont aussi vraies, appliquées aux sociétés, qu’aux végétaux et aux animaux en vue desquels elles ont été écrites. Plus les sociétés sont imparfaites, moins les travaux y sont variés et moins, conséquemment, le développement de l’intelligence y est considérable, plus les parties qui les composent se ressemblent, ainsi que peut le constater facilement toute personne qui étudiera l’homme dans les pays purement agricoles. Plus est grande la diversité des travaux, plus est considérable la demande d’efforts intellectuels, plus les parties constituantes des sociétés deviennent dissemblables, et plus l’ensemble devient parfait, comme on peut s’en apercevoir immédiatement, en comparant un district purement agricole avec un autre où se trouvent heureusement combinés l’agriculture, l’industrie et le commerce. La différence, c’est là le point essentiel pour l’association. Le fermier n’a pas besoin de s’associer avec un autre fermier son confrère, mais il a besoin de le faire avec le charpentier, le forgeron et le meunier. L’ouvrier du moulin n’a guère de motif de faire des échanges avec son confrère, mais il a besoin d’en faire avec celui qui construit des maisons ou qui vend des substances alimentaires, et plus sont nombreuses les nuances de différence qui existent dans la société

  1. La même idée se retrouve présentée ainsi dans un ouvrage d’une haute portée publié récemment : « Les différences sont la condition du développement ; les échanges mutuels qui résultent de ces différences éveillent et manifestent la vie. Plus la diversité des organes est considérable, plus la vie de l’individu est active et s’élève à un ordre supérieur. Plus est considérable la diversité des individualités et des rapports dans une société d’individus, plus aussi est considérable la somme de vie, plus le développement de la vie est général, complet et d’un ordre élevé. Mais il est nécessaire que non-seulement la vie se déploye dans toute sa richesse par la diversité, mais qu’elle se manifeste dans son utilité, dans sa beauté, dans ses bienfaits par l’harmonie. C’est ainsi que nous reconnaissons la vérité de ce vieil adage : La perfection c’est la variété dans l’unité. » Guyot, La Terre et l’Homme, p. 80.