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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/205

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La révolution américaine ou la série de guerres dont Waterloo fut le terme, auraient-elles eu lieu si les ministres, s’aidant du système dont M. Mac Culloch se fait l’avocat, n’avaient pas eu la faculté de filouter à la population les contributions qu’ils n’osaient pas demander aux détenteurs du capital fixe ? Si ces guerres n’eussent pas eu lieu, verrions-nous aujourd’hui la Grande-Bretagne, — qui manie, à l’aide de son outillage, une force de plusieurs centaines de millions d’hommes, ~ lutter sous le fardeau d’une taxation si effrayante ? Aurait-on jamais songé à inventer les doctrines de l’excès de population et de l’asservissement éventuel ? Aurions-nous dans ce siècle de lumières, des économistes distingués nous affirmant que « le gouvernement a rempli son devoir » du moment qu’il a trouvé les objets qui se prêtent le mieux à une taxation[1], sans s’occuper aucunement de l’égalité de contribution, « qui est une considération inférieure[2]. »

Assurément non. La saine morale demande que chacun acquitte sa part équitable pour l’entretien du gouvernement qui lui assure protection à lui et aux siens, dans l’exercice de leurs droits, de la personne et de la propriété. Par qui cependant sont payés les impôts sur le malt, le houblon, le tabac, le sucre, le café ? Par les travailleurs, qui ont peu de chose à faire protéger. Qui échappe à la taxation ? ceux qui ont des fonds et des billets, — valeurs qui représentent les accumulations du passé. Le système entier tend à empêcher le capital de se fixer, — à élever la proportion de celui qui reste mobile, — à accroître la nécessité d’intervenir dans le commerce ; et le résultat se manifeste par lé payement d’un montant d’impôts qui dépasse de beaucoup le montant de la valeur annuelle de la terre. Si le système avait eu pour objet le maintien du commerce, comme le conseille Adam Smith, la terre aurait aujourd’hui une valeur double, tandis que le montant des taxes n’irait pas au cinquième de ce qu’il est.

§ 16. — Grand désaccord entre les doctrines des modernes économistes et celles d’Adam Smith.

Partant, comme ils l’ont fait, de l’insertion inexacte, que les hommes débutent par les sols riches, MM. Malthus et Ricardo ont été conduits à voir « la crainte de la pénurie » marcher de compagnie avec l’accroissement de richesse et de population qui contraint à la nécessité de recourir aux sols pauvres avec rémuné-

  1. On Taxation and Founding, p. 20.
  2. Ibid., p. 18.