Se peut-il, demandera-t-on, que des modifications de l’homme moral et physique, telles que celles que nous venons de mentionner, puissent avoir des effets si grands ? Se peut-il que la question, si la population s’accroîtra aussi vite qu’en Irlande ou si elle diminuera, comme nous le voyons chez les gens dont les occupations nécessitent de laides demandes de leurs pouvoirs intellectuels, dépende à ce point pour sa solution de la proportion de force vitale dépensée par le cerveau d’un côté et par les organes générateurs de l’autre ? En réponse, nous dirons que c’est quand la nature travaille avec le plus de calme qu’elle opère le plus grand effet. — La somme de force dépensée pour un moment à élever dans l’atmosphère les eaux de l’Océan est plus grande que celle nécessaire pour produire une série des ouragans les plus terribles. C’est aussi lorsqu’elle travaille le plus lentement qu’elle opère le plus de bien ; par exemple, quand elle envoie la rosée du matin ou la pluie d’été rafraîchissante. Veut-elle infliger un châtiment à l’homme, elle agit avec une grande rapidité, — elle envoie la grêle ou la lave du volcan. Veut-elle créer une île, qui peut-être deviendra le noyau d’un continent, elle emploie un insecte invisible à l’œil nu ; mais si elle veut simplement renverser les remparts d’une ville, elle envoie un tremblement de terre.
Il en est de même partout, dans le monde social comme dans le monde physique. — L’amélioration dans la race humaine a résulté des travaux de millions de petits hommes qui ont travaillé dans les champs ou dans les usines, — d’hommes dont les travaux ont été si calmes qu’ils ont échappé à une simple mention de la part des historiens, qui donnent avec bonheur la chronique des mouvements des armées envahissantes, et épuisent leurs formules de langage à exprimer de l’admiration pour un Alexandre, un César, un Napoléon. Le polype du corail et le ver de terre contribuent à opérer des changements qui sont durables. L’éléphant ne laisse point derrière lui le souvenir de son existence. Le trafiquant extrait lentement et avec calme le ciment qui lie les parties de l’édifice social, — et la masse tombe en panne, comme nous l’avons vu en Irlande et dans l’Inde. Le soldat vient avec tambours et trompettes — piller et ruiner un pays, comme cela s’est fait si souvent en Belgique ou en Allemagne. À peine a-t-il disparu, que les fourmis cependant sont de nouveau au travail, relevant les maisons, répa-