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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/376

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l’avenir pour sa femme et sa famille ou lui-même ; doctrine si propre à endurcir le cœur de celui qui emploie le travailleur ; doctrine tellement calculée pour anéantir la confiance dans la sagesse et la magnificence du Créateur. Après avoir fait le monde harmonieux et beau comme nous le voulons, il n’aura pu se trouver dans la nécessité d’instituer des lois pour le gouvernement de l’homme, en vertu desquelles l’obéissance au grand commandement : — croissez et multipliez, et soumettez vous la terre, produirait le vice et la misère qui pullulent tellement. — S’il a fait cela, il l’a fait de malice préméditée, — sa puissance et sa sagesse étant infinies[1].

  1. Si le doublement est la tendance naturelle de l’homme, comment serait impossible aux subsistances ? Les animaux et les plantes qui constituent le fond de ces subsistances ne sont-ils pas, comme l’homme, et sur une bien autre échelle, doués de la faculté de se reproduire et de multiplier ? Et si cette faculté, chez eux comme chez lui, reste parfois latente ou restreinte, ne l’a-t-on pas vue, bien des fois aussi, se manifester avec une intensité prodigieuse ? Il a suffi pour cela qu’elle ne fût pas contrariée. L’homme a le pouvoir, non-seulement d’empêcher qu’elle ne le soit, mais de l’aider en faisant même, au besoin, les circonstances les plus favorables à son développement. Sa tâche, ici-bas, n’est pas autre chose. Placé dans un milieu où la vie, à mille degrés divers, surabonde de toutes parts, il la saisit au passage ou l’appelle à lui ; mais, en s’emparant d’elle, il ne la détruit pas, il l’occupe on instant à peine, et pour la restituer bientôt, bon gré mal gré, au réservoir commun. La consommation, comme la production, qui l’alimente et qu’il dépend d’elle d’alimenter, à son tour, n’est qu’une transformation qui n’épuise rien… Loin d’être une cause de faiblesse et de ruine, par conséquent, le nombre est, dans l’ordre naturel des choses, une cause de richesse et de puissance ; et plus les générations se multiplient et se serrent, plus la vie, loin de fuir devant elles, devient, par une loi de fraternité et d’amour, abondante et facile… À chaque bouche nouvelle correspondent deux mains mieux armées que celles qui ont nourri jusqu’alors les bouches existantes ; et si la vie humaine est la plus destructive de toutes les machines, elle est aussi la plus productive de toutes. » Passy. Économiste belge (Oct. 10, 1858.)