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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/388

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excepté en Irlande[1]. Chassés des champs, les parents demandent un abri aux villes et aux cités ; — les femmes, les enfants cherchent du travail dans les mines, dans les usines. Simultanément, cependant, avec la consolidation de la terre nous avons la consolidation des grands capitaux, toujours prête à écraser la concurrence tant domestique qu’étrangère pour l’achat du travail ou la vente des produits du travail. Le résultat se voit dans plusieurs rapports navrants des commissions parlementaires, — rapports qui nous montrent les femmes travaillant tout à fait nues dans les mines, parmi les jeunes garçons et les hommes ; les femmes et les jeunes filles soumises à une somme d’effort physique, pour laquelle ne les a point destinées le Créateur, à qui elles doivent leur misérable existence[2]. Récemment on a essayé de quelque amélioration ; — on

  1. « Demandez aux plus vieux habitants des rochers nus qui bordent les noires et rudes côtes de l’Ouest comment il se fait qu’ils traînent une famélique existence sur les sols âpres et infertiles ; tandis que sur des vingtaines de milles, des terres qui rapporteraient des milliers de milliers de fois davantage, restent dans une désolation sombre et nue ? Demandez comment il se fait que des coteaux et des vallées dont les échos répétaient naguère le rire joyeux de centaines d’enfants d’heureux cottages, ne répètent aujourd’hui que le bêlement des moutons, le son de la trompe de chasse, ou le coup de fusil du sportsman ?. Demandez comment il arrive que la population de Lairg n’est plus que le tiers de ce qu’elle était en 1801 ; comment Loth a diminué d’un tiers ; Kildonan des trois quarts ; Creich a perdu 1.500 âmes et d’autres paroisses un peu moins, si bien que le comté de Sotherland n’a pas augmenté de 7 pour  % en population dans l’espace des cinquante dernières années ? Demandez s’il est vrai que le comte qui tenait une place distinguée dans les annales du pays, pour le nombre et la bravoure de ses soldats, ne fournirait pas une demi-douzaine de ses enfants à la milice, ou pour servir en partisans volontaires à la défense de la côte ? Demandez s’il est de fait que, depuis le commencement du présent siècle, plus de quinze mille habitants natifs du Sutherland aient été jetés hors de la terre que leurs ancêtres ont occupée depuis les époques traditionnelles, et expulsés, — non comme convaincus de crime, — non pour être coupables de paresse, non pour devoir des arrérages de rente, non pour conduite immorale ; mais parce qu’on a voulu transformer leurs tenures en des parcs monstres pour les moutons, et en terrains à perdrix ? » Douglas Jerrold : Letter to Mr Strove.
  2. « Mon attention se porta sur une maison publique très-fréquentée par les ouvriers des fabriques. Je m’y rendis un soir à neuf heures, et je trouvai dans la tabagie, six femmes, dont trois mariées et trois célibataires, en compagnie de cinq hommes. Les femmes étaient toutes des ouvrières de la fabrique. Je liai conversation avec l’une d’elles. « À quelle heure du matin commence le travail ? — On commence à six heures ; mais je dois me lever à cinq, car je demeure à plus d’un mille d’ici. — Déjeunez-vous avant de partir ou vous apporte-t-on plus tard à déjeuner ? — Non, je l’apporte avec moi, ainsi que mon dîner et mon thé. — Combien de temps vous donne-t-on pour déjeuner ? — Un quart d’heure. — Et pour dîner ? — Une heure. — Combien pour le thé ? — Un quart d’heure. — À quelle heure du