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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/132

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LES AVENTURES D’UNE FOURMI.

comprendre ce qui portait les enfants d’une même mère à s’entre-détruire, nous gravîmes sur une branche de bourdaine qui s’avançait au-dessus de la fourmilière, afin de mieux observer cet étrange spectacle ; mais je ne tardai pas à me convaincre que ce qui d’abord m’avait semblé un combat, était tout simplement un exercice gymnastique, destiné à entretenir la vigueur et la souplesse de ces fourmis et à former les jeunes ouvrières aux luttes qu’elles auraient à soutenir plus tard.

Nous continuâmes notre chemin le long d’un petit ruisseau, et nous montâmes sur un arbuste qui se penchait au dessus de l’eau, pour y chercher quelques pucerons qui voulussent bien nous aider à satisfaire notre appétit. Un oiseau, grand croqueur de fourmis, vint se percher tout auprès de nous. Je fus si troublée en me voyant à la merci de cet impitoyable ennemi que, saisissant ma compagne par les mandibules, je me laissai choir avec elle sur une feuille de platane qui voguait sur l’eau. Nous demeurâmes une bonne partie de la journée dans cet asile, sûr, il est vrai, mais dont nous ne pouvions plus sortir, et où nous étions en grand danger de mourir de faim.

La feuille, en suivant le cours de l’eau, nous faisait faire, bien malgré nous, un voyage plein d’émotions poignantes. Nous n’avions pas perdu de vue l’arbuste sur lequel était encore l’oiseau, pre-