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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/133

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LES AVENTURES

mière cause de notre position critique, que déjà nous étions arrivées à un rapide effrayant. L’eau bouillonnait à grand bruit au pied d’un rocher immense, et ce spectacle fit une si forte impression à ma jeune compagne qu’elle regretta hautement son tranquille esclavage.

La nacelle qui nous portait tournoya longtemps, et chaque tour la rapprochait d’un petit remous produit par les bouillons, en arrière du rocher. Une brise assez forte s’étant élevée nous poussa vers l’autre rive. En voulant prendre terre, nous courûmes plus d’une fois risque de la vie. Ayant escaladé une touffe d’herbe dont quelques brins descendaient à fleur d’eau, nous avons réussi cependant, à force d’adresse et de persévérance, à franchir ce pas dangereux, et nous nous sommes trouvées bientôt sur un terrain sablonneux très-propice à la construction d’une fourmilière. Mais que pouvaient deux pauvres insectes livrés à leurs propres ressources ! En cherchant pâture, nous nous vîmes tout à coup en face d’un énorme crapaud qui se promenait magistralement, penchant la tête avec nonchalance tantôt à droite, tantôt à gauche, effleurant la terre de sa langue rose effilée, et à chaque mouvement enlevant quelques fourmis qui se trouvaient sur son passage. Je tirai ma chère fille par la patte et me tapis avec elle sous les feuilles d’une pâquerette où l’œil perçant de notre ennemi ne pou-