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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/134

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D’UNE FOURMI.

vait nous découvrir. Quand le monstre se fut éloigné, nous allâmes droit à un beau pêcher espalé contre un mur, et dont les feuilles frisées témoignaient assez de la présence des pucerons nos bons nourriciers. Nous nous hâtâmes, autant que put le permettre notre complet épuisement, d’arriver à l’extrémité d’une des branches les plus basses. Alors nous pûmes nous dédommager amplement du jeûne forcé auquel nous venions d’être condamnées. En descendant pour reconnaître le pays où nous nous trouvions, nous aperçûmes une pêche hâtive qu’un limaçon avait entamée.

Ne pouvant résister au désir de goûter au divin nectar contenu dans ce fruit, nous oubliâmes que la sobriété est la première vertu de la fourmi. Ma jeune compagne surtout manqua tout à fait de modération, faute d’ailleurs bien pardonnable à son âge ; et en descendant du pêcher sa démarche était incertaine. Moi je courais de ci, de là, pour me bien rendre compte des localités. En relevant la tête, je vis la jeune imprudente marcher en chancelant vers un monticule qui se trouvait au milieu du chemin, avec l’intention bien manifeste de l’escalader. Je me précipitai vers elle, espérant l’avertir encore à temps du danger qu’elle courait ; mais, hélas ! j’arrivai trop tard ! Aussitôt qu’elle eut posé ses six pattes sur le versant de la colline elle disparut dans le gouffre que recouvrait le monticule,