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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/34

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Et, que faisait M. Chapleau pendant ce temps ? Il ménageait la chèvre et le chou ! il finassait diplomatiquement. Sans doute qu’il prenait au mouvement une part suffisante pour réclamer à propos sa part des bénéfices ; mais aussi, il observait Sir John et le ministère pour ne pas se les rendre défavorables. Il y eut même un moment où, se tenant prudemment à Montréal, ayant bien soin de ne pas mettre le pied à Ottawa, il se montrait scandalisé de l’indiscipline d’Angers, Ross, Mousseau et Ouimet. Même, il réclamait vigoureusement et avec une vertueuse indignation contre ces écarts de jeunesse…

Et pourtant, il était le complice de la fameuse motion Mousseau, la connaissait d’avance, puisque ce fut lui qui, par une dépêche télégraphique, donna le signal de faire le coup ! ! !…

Hardi tirailleur embusqué bravement derrière une muraille, et faisait mine de protéger les ministres, avait-il le droit de répudier l’un de ceux qui, tête haute, et poitrine découverte, combattait loyalement en rase campagne pour ce qu’il croyait être le droit et la justice… ? Et pourtant, il l’ignora comme s’il eût été le dernier des serviteurs inutiles.

Non ! il ne l’invita pas à faire partie de son gouvernement !

Mais oui ! il l’invita, répéteront les organes de M. Chapleau.

Oui !… Après que le gouvernement fut définitivement formé et que la nouvelle s’en fut répandue dans Québec, un groupe influent de conservateurs ayant appris qu’Angers, leur chef, en était exclu, se rendit de suite auprès du premier et lui reprocha amèrement et avec indignation cette injustifiable exclusion. Un protêt écrit fut même remis à M. Chapleau, réclamant énergiquement contre une pareille injustice. Le lendemain matin, M. Chapleau, voyant quelle bourde il avait commise, manda Angers. Et alors, mais alors seulement, il lui offrit un poste très secondaire dans son cabinet.

En ce sens oui, il l’a invité à entrer. Mais tous les gens de cœur comprendront qu’Angers se devait à lui-même de refuser.

Pourquoi cette exclusion injustifiable, lorsque M. Chapleau disait à qui voulait l’entendre qu’il n’en avait que pour quelques mois à Québec, avant de partir pour Ottawa ?

Des sept membres de ce gouvernement, tous excepté un sont déjà partis.

Pourquoi priver la province des services de l’un de ses hommes d’État les plus capables et les plus expérimentés, surtout lorsqu’il savait que la plupart des membres de son fameux ministère n’étaient que des chercheurs de fortune politique qui, au bout de quelques mois, seraient tous disparus de la scène publique ?

Pourquoi ? Parce que les capacités supérieures d’Angers menaçaient son prestige et rendaient impossibles les petites opérations que l’on connaît !