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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/35

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En effet, aurions-nous été soumis à l’humiliation de voir les tripotages qui ont signalé les deux dernières sessions, si Angers eût été là ?

Angers, banni de Québec, se dit : « Eh bien, j’irai servir mon pays dans la politique fédérale… »

Il accepta donc le mandat fédéral de Montmorency, que ses anciens électeurs, revenus d’un moment d’égarement, lui donnèrent avec enthousiasme et par une large majorité.

Rendu là, il sentit qu’il nuisait à de trop puissantes ambitions et que M. Chapleau avait autant d’intérêt à le bannir de la politique fédérale que de celle de Québec.

Pris de dégoût et sentant que, pour un temps indéfini, l’intrigue rendait stériles tous ses efforts pour servir son pays dans la politique, il entra dans la magistrature. C’est ainsi que la raison d’État l’a exclu à jamais de la politique.


V


Que servait-il à Chapleau de bannir Angers du ministère local, puisque lui-même devait bientôt aller à Ottawa ? C’est que Chapleau était irrésolu : ne pouvant suffire à saisir à la fois tout ce que ses convoitises faisaient miroiter à ses yeux. Être à Ottawa, ça donnait un plus fort salaire, et c’était un poste plus élevé ; mais être premier à Québec, cela ressemblait plus à César !… Et puis, il y avait là une chose qui n’était pas à dédaigner : c’était le tour du bâton. Il eût voulu être à la fois premier à Québec, ministre à Ottawa, chef partout ! Il n’avait pas assez de mains pour tout prendre, et cependant, rééditant la fable du chien sur la botte de foin, il fallait empêcher les autres de toucher à ce qu’il croyait être sien, savoir : les trois autres parts du lion de La Fontaine.

Cependant, il fallait choisir, car nous en étions à novembre 1880, et Masson venait de lui signifier qu’il ne pourrait davantage rester à Ottawa. Pour lui garder la place et empêcher qu’elle ne fût remplie par ceux qui y avaient droit, il avait compromis irrémédiablement sa santé. Pour faire l’affaire de M. Chapleau, il avait fallu priver la province des services d’un de ses trois ministres français et priver le comté de Terrebonne des services effectifs d’un député en bonne santé.

Enfin, Chapleau était prêt : le remaniement allait se faire. Mais voilà bien que Caron revendique la succession de Masson, et que Sir John déclare ne pouvoir la lui refuser. Et pourtant, M. Chapleau a fait connaître à Sir John sa volonté d’y aller et d’y aller de suite !