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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/7

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sans calculer le poids homérique de son homme, entreprit de le porter sur ses épaules jusqu’au fin faîte du pouvoir.

Protégé par les curès, par certains collèges, même par les frères ignorantins, M. Chapleau put, à son aise se ficher de ses électeurs durant trois ans, neuf mois et soixante et quinze jours par parlement, sauf ensuite, une bonne quinzaine, à faire la révérence et à débiter du Scarini. Grâce à cet aide et à ce procédé, il ne connut guère autre chose que des élections par acclamation.

Je reviens au Clergé :

M. Chapleau ne faiblit pas un instant devant ces ultramontains de citoyons à calotte, plus catholiques que le Pape. Il allait oublier leurs pruderies dans un bon dîner à la maison Dorée ou chez Victor.

« Je suis à prendre ou à laisser tel que je suis, » répétait-il souvent. Si la doctrine de ces Jésuites d’ultramontains n’est pas en accord parfait avec mes faits et dires, c’est la doctrine qui a tort. Tant pis pour elle ! On m’acceptera avec ce que je dis, ce que je fais, ce que je pense ; tout cela sera proclamé être le beau, le bon, le bien ; cela formera le code conservateur. Avec tout cela je serai proclamé chef et comme tel donné en exemple à la jeune génération qui pousse. Sinon, je « passe à gauche », et la religion s’arrangera comme elle pourra !

Ce fut là, d’ailleurs, le caractère permanent de son attitude générale, en matières politiques comme en matières catholiques et sociales. Que lui importe ce que pensent, disent et veulent les écoles catholiques du monde entier ? D’abord, il ne saura jamais un traître mot de tout cela ; ensuite, lui c’est lui ! et c’est son verbe à lui qui est sa doctrine.

Il y a dans cet homme de l’Achille et de l’Ajax. L’autre jour même, le Quotidien et le Monde se trouvèrent d’accord à dire qu’il y avait du César — et à très forte dose ! — dans M. Chapleau. Il y a longtemps que la Minerve nous a appris que, comme Napoléon, il avait son étoile. Et lui-même, n’annonçait-il pas l’autre jour, à notre continent étonné, qu’il avait sa doctrine Munroe, mais qu’il battait Munroe d’un grand bout !

Et, de fait, elle ne faisait pas pitié sa doctrine Munroe ! Le bon apôtre avait modestement pigé çà et là dans les Évangélistes de quoi faire une jolie tirade. “ Voilà MA doctrine, s’écriait-il ; elle vaut bien celle de Munroe ! »

Il avait, à la façon de Fréchette, inventé une doctrine en collaboration avec les Évangélistes. Ces derniers même, plus humbles que lui, ne font que relater la doctrine de leur Divin Maître. Et c’est cet enseignement que M. Chapleau, lui, appelle modestement : « ma doctrine. »

Ainsi, malgré son dédain pour les ultramontains et ceux qui étudient laborieusement la doctrine, il ne dédaigne pas cependant de