Aller au contenu

Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 11 —

s’approprier, de fois à autre, une partie de cette doctrine catholique lorsque l’occasion lui est favorable.

On se rappelle l’avoir vu ainsi, à Ste-Thérèse, pour faire pièce au Nouveau-Monde, prononcer, sur la question des rapports de l’Église et de l’État, un discours qui n’était qu’une page du canoniste Scarini soigneusement apprise par cœur pour la circonstance.

Certains voyageurs canadiens qui ont visité l’Australie, dans les premiers temps de l’exploitation de ses mines d’or, rapportent, que les indigènes, y vivant d’ordinaire entièrement nus, se présentaient souvent à eux affublés d’une partie quelconque de vêtements dérobés aux Européens. C’est ainsi, par exemple, qu’un jour on voyait passer un indien chaussé d’une magnifique paire de bottes à la napoléon, mais ayant le reste du corps entièrement nu. Un autre n’avait qu’un magnifique chapeau de castor tout flambant neuf. Un troisième se pavanait orgueilleusement ou avec un gilet, ou des bas, ou une cravate blanche, ou une paire de gants !

M. Chapleau, coiffé du bonnet de Scarini ou affublé d’une épitre de St Paul aux Romains, dans laquelle il taille sa doctrine Munroe, ne vous fait-il pas un peu le méme effet ?


IV


Si, de temps à autre, M. Chapleau se réconcilie ainsi avec la doctrine, il ne pardonne pas souvent à ceux qui ont fait de la doctrine l’occupation et la pratique régulière de leur vie.

Avec cette spirituelle pointe d’ironie qui le distingue, il les appelle finement : « Mgr Bourget », nom générique qui pour lui résume la gente ultramontaine qu’il poursuit de son aversion. Il se sent contre ceux-là une antipathie, voire même une haine invincible. Voyez avec quel acharnement il les persécute, avec quelle rigueur inexorable il leur ferme partout et toujours toute avenue aux succès et à toute part, quelque modeste qu’elle soit, à tout avantage. À moins, toutefois, que l’ultramontain, consentant à devenir l’un des artisans de sa gloire ou de sa fortune, ne fasse alliance avec la clique, tripote un peu avec Dansereau, abdique sa dignité personnelle et devienne le très humble serviteur de ces messieurs : alors, une petite trahison, une simple lâcheté rachète bien des actes d’ultramontanisme !

Non pas que l’hostilité de M. Chapleau pour les ultramontains procède de principes raisonnés, adverses à cette école : il les liait d’abord par instinct, ensuite à cause de son ignorance absolue de toutes les questions religieuses et sociales, enfin et surtout, parce qu’il n’en est pas. Ses goûts bohèmes et ses tendances boulevardières l’ont éloigné des ultramontains qui, de leur côté, n’ont pas songé à lui faire une douce violence et à lui ouvrir leurs portes à la façon dont on reçoit les héros.