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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/76

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peine si nous en avons dix-huit de langue française !… Sur treize ministres, nous eu avons trois seulement de notre nationalité !

Et cependant, dans les treize ministères, comme à la présidence des deux chambres, il faut, jour et nuit, non seulement faire bonne garde, mais encore lutter ! lutter sans-cesse pour défendre pouce par pouce le terrain que nous y possédons ! Qui ne sait le travail terrible, travail hypocrite, astucieux, maçonnique, qui se fait là sans cesse, dans tous les coins, pour détruire ou du moins affaiblir au point de la neutraliser, notre nationalité française ?

Et M. Chapleau, lui, va là pour se reposer… Et la première phase de ce repos, c’est un voyage, de trois mois en Europe, dans le but de soigner ses petites affaires juives du crédit foncier !


III


Mais non, dira La Minerve, le héros ne dormira que d’un œil, comme son ami Gambetta — M. Chapleau va aussi à Ottawa pour étudier les grands intérêts nationaux qui se développent dans notre immense Nord-Ouest, etc., etc.

Étudier !…

M. Chapleau n’a donc pas la science infuse !… Et ces études sur le Nord-Ouest, n’y aurait-il pas, par hasard, un laboratoire mieux choisi pour les faire, que les boulevards de Paris ? Un meilleur point d’observation que les Folies-Bergères, la banque juive, ou même les salons de M. Gambetta ?

Et puisque M. Chapleau veut bien, comme un simple mortel, descendre jusqu’au soin vulgaire d’étudier ; puisqu’il admet le précepte d’Horace : « Je ne vois pas ce que peut faire le travail sans le talent, ni le génie sans l’étude, » ne croit-il pas que la politique fédérale, comme la politique provinciale, requiert un peu d’étude, d’expérience, d’observation, d’apprentissage ? Ne croit-il pas que ceux, aussi bien doués que lui sous le rapport de l’intelligence, mieux doués sous le rapport du cœur, qui sont à Ottawa depuis quinze ans, faisant une étude ardue des questions politiques qui y surgissent sans cesse et s’y développent, faisant depuis cette époque un précieux apprentissage auquel l’expérience de chaque jour vient s’ajouter à l’expérience de la veille, ne sont pas mieux qualifiée que lui pour y défendre nos droits et y servir nos intérêts ?

N’eût-il pas été convenable pour lui d’y faire au moins une année de stage, avant d’exiger son entrée dans le ministère ? Et ce qui est vrai pour Ottawa, n’est-il pas aussi un peu vrai pour Québec ? Pourquoi, sans aucune nécessité quelconque, autre que celle de faire brasser par la clique seule nos affaires politiques, choisir pour premier à Québec, un homme qui auparavant n’avait probablement jamais consacré quarante-huit heures à l’étude spéciale de notre