Page:Caylus - Oeuvres badines complettes T1.djvu/62

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n’eut pas plutôt arrêté les yeux sur lui, que sa vue lui rappella le souvenir d’un songe qu’il avoit eu la nuit précédente. Il avoit cru voir une grande & belle femme vêtue de blanc, tenant un enfant entre ses bras. Elle étoit suivie de plusieurs demoiselles, qui toutes ensemble chantoient le Magnificat. Dès qu’elles eurent cessé de chanter, celle qui paroissoit commander aux autres s’approchant de lui, & lui mettant la main sur la tête, lui avoit dit ; ne crains rien, roi d’Angleterre, compte sur le secours du fils & de la mere. Remarque bien le premier homme, portant une grande barbe, que tu verras te demander l’aumône ; baise-le sur la bouche, conjure-le de quitter l’habit qu’il porte, & d’accepter le commandement de ton armée ; je ferai le reste. À ces mots le songe s’évanouit, & le roi s’étoit réveillé.

À la vue de l’hermite humilié devant lui, ce prince ne douta point qu’il ne fût cet homme destiné du ciel pour être l’appui de sa couronne. Il le baisa sur la bouche, suivant l’avertissement qu’on lui avoit donné ; le releva, & le prenant par la main, il le conduisit dans une des chambres du château. Là, après lui avoir représenté dans les termes les plus touchans, les malheurs de son royaume ; après l’avoir conjuré de l’aider de ses conseils & de sa personne, il se jeta a ses pieds, & le supplia de ne point lui refuser la grace qu’il lui demandoit.