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Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/47

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LIVRE PREMIER

mes l’un pour l’autre une si vive affection, que nous ne nous quittions ni la nuit ni le jour. Sa maison était pleine de livres renfermant les précieuses études que son vaillant père avait dessinées d’après les antiquités de Rome. J’en fus vraiment enthousiaste pendant les deux années environ que je vécus avec Francesco.

Vers ce temps-là, je fis un bas-relief en argent de la grandeur de la main d’un enfant. C’était un fermoir de ceinture d’homme que l’on portait alors de cette dimension. J’y avais ciselé des feuillages à l’antique entremêlés d’enfants et de grotesques. J’exécutai cet ouvrage dans la boutique de Francesco Salimbene. Tous les orfèvres qui le virent me vantèrent comme le plus habile des jeunes ouvriers du métier.

Sur ces entrefaites, un sculpteur en bois, exactement de mon âge, nommé Gian-Battista Tasso, me dit, en sortant de dîner avec moi, que, si je voulais aller à Rome, il m’accompagnerait volontiers. Comme j’étais encore en querelle avec mon père à cause de la flûte, je poussai le Tasso, en lui disant : — « Tu es plus propre à parler qu’à agir. » — « Moi aussi, me répondit-il, je suis brouillé avec ma mère ; si j’avais assez d’argent pour aller à Rome, je ne me donnerais pas même la peine de retourner fermer ma propre boutique. » — À ces mots, je ripostai que, s’il n’avait pas d’autre motif pour rester, je me trouvais à la tête d’une

    étrange dont il recouvra la liberté, ses amours avec Lucrezia Buti, la belle novice du couvent de Santa-Margherita, et enfin sa mort, occasionnée par le poison, sont connus de tout le monde. — On admire dans ses productions une franchise et une fermeté, un tact, un goût et une adresse qui dénotent tout à la fois une âme de poète et de philosophe, une main d’une extrême habileté à manier l’outil, et un œil exercé à vivifier l’ensemble le plus grandiose aussi bien que les détails les plus minutieux. Son fils Filippo fut élève du Botticelli. Vasari lui attribue l’honneur d’avoir introduit les grotesques dans peinture moderne. Mais ce mérite appartient au Padouan Squarcione, qui vivait plus de soixante ans avant lui et qui était allé jusqu’en Grèce pour étudier les chefs-d’œuvre de l’antiquité. — Voy. Vasari, Vie de Fra Filippo, t. III, p. 28-49, et Vie de Filippo Lippi, p. 296-310. Francesco Lippi n’est mentionné que par Cellini. L. L.