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Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/85

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LIVRE PREMIER

et était encore éperdument épris d’elle. La Pantasilea fut quelque peu piquée en voyant, qu’au premier mot, je l’avais abandonnée au Bacchiacca. Elle pensa que je méprisais l’ardent amour qu’elle me portait : aussi, peu de temps après, pour se venger de l’injure qu’elle avait reçue, me suscita-t-elle une grave affaire, dont je parlerai en son lieu.

L’heure de présenter sa corneille à la compagnie approchait, et je n’en avais pas. Manquer d’une si sotte chose me semblait par trop ridicule. Ce qui ajoutait encore à mon embarras, c’est que je ne voulais pas mener sous mon bras, dans cette brillante réunion, quelque mauvaise petite corneille déplumée. Enfin, j’imaginai de me tirer de ce mauvais pas à l’aide d’une folie qui devait augmenter la gaieté de l’assemblée. J’envoyai chercher un jeune homme de seize ans, qui demeurait près de chez moi. Il était fils d’un Espagnol qui fabriquait des ustensiles de cuivre. Ce garçon se nommait Diego. Il étudiait les lettres latines, et se faisait remarquer par son ardeur au travail. Il était doué d’une beauté rare, et avait surtout un teint merveilleux. Le galbe de sa tête l’emportait de beaucoup sur celui de l’Antinoüs antique. Je l’avais dessiné souvent, ce qui avait grandement profité à ma réputation. Il ne fréquentait personne, de sorte qu’il n’était point connu. Il était fort négligé dans sa toilette, car il ne se préoccupait absolument que de ses études. L’ayant donc fait appeler, je le priai de mettre des habits de femme que j’avais tout préparés. Il y consentit sans peine, et s’habilla promptement ; puis, à l’aide de divers ornements, je réussis à ajouter en-

    1557. Il excellait à peindre les grotesques et les figures en petite proportion. Il envoya le plus grand nombre de ses ouvrages en Angleterre. Vers la fin de sa vie, il entra au service du duc Cosme, et fit pour ce prince des dessins, sur des sujets riants et gracieux, pour des tentures et pour des lits. Ces dessins furent reproduits en broderie et en tapisserie par son frère Antonio et par le Flamand Marc Rost. — Voy. Vasari, Vie d’Aristotile da San-Gallo, t. IX, p. 63 et suiv.